Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/138

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entre des pins-arbrisseaux qui forment comme des bosquets ; le paysage entier est d’un calme, d’une dignité gracieuse, il a le je ne sais quoi antique, on se sent en amour. J’ai eu envie de pleurer et de me rouler par terre ; j’aurais volontiers senti le plaisir de la prière, mais dans quelle langue et par quelle formule ?

Kaki-Scala est l’endroit où l’on descend plus rapidement en se rapprochant de la mer. Le chemin, très en pente, tourne sur lui-même en descendant, il y a danger de se casser le cou. — Restes d’une vieille voie taillée à même le rocher qui, adoucissant sa coupe, fait de chaque côté comme le vaste dossier d’un siège. À un endroit, au détour de la route, un pin incliné ; on ne voit que lui se détachant sur la mer, pénétré de lumière et seul, là ; il était peu jauni à sa partie gauche. On est de niveau avec la mer et on va quelque temps au milieu du bois.

Kineta, rares maisons espacées, nous déjeunons dans l’une d’elles. — Petite fille de 10 à 12 ans, brune, grand nez, yeux noirs en amande, expression mûre et fatiguée, air aristocratique, regard avide et étonné. — À la fin du repas, un homme du pays entre avec un enfant de 2 ans à la main, à qui je donne un sandwich.

À partir d’ici la montagne à plan abrupt cesse, les chaînes qui la continuent sont beaucoup plus reculées et semblent plus basses ; nous cheminons à travers le bois de pins, ils sont plus grands que tout à l’heure, des arbousiers aussi ; la pente à l’extrémité de laquelle nous marchons est plus douce et va se perdant, en montant du côté des montagnes.