Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/147

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Côtés élargis, terrains gris et stériles, petites collines, ensemble pauvre.

D’une hauteur, nous voyons au fond de l’horizon, à droite, comme un grand lac : c’est encore un fleuve que nous devons traverser ; derrière lui, montagnes élevées couvertes de neige ; il y a de la neige par places, tout près de nous. Descente.

On traverse le fleuve, qui se trouve bientôt encaissé entre deux hauts pans de montagnes, murs inclinés, avec des courbes nombreuses qui arrêtent la vue et la renouvellent. Le sentier, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, suit avec difficulté le bord du fleuve ; nous le traversons quarante fois, nos chevaux par moments ont de l’eau jusqu’au poitrail et elle n’est pas chaude ; la pluie tombe à torrents, cela devient si beau que nous en rions ; le bagage ne chavire pas, ce qui nous étonne ; le malheureux gendarme le suit, ainsi que nos muletiers, nu-pieds, dans la boue, l’eau et les pierres ; Lephteri claque de son fouet dont la mèche mouillée fume. La dernière fois que nous passons l’eau, c’est au grand galop, en poussant des cris. Nous entrons dans le khan en sautant par-dessus le petit mur ; pas de cheminée, nous perdons nos yeux avec la fumée. What an uncomfortable house ! Il y a de quoi faire gueuler les moins difficiles. François est un très bon compagnon, dont les excellentes blagues « bravent l’honnêteté » ; on voit qu’il est Grec, ses plaisanteries courtes et solides sentent le terroir.

Comme il pleut ! quelle sacrée pluie ! demain Sparte.

Criavrissi, 7 heures et demie.