Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/51

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goélette anglaise voir le sauvetage des écus de M. de Noary ; il nous donne à tâter son pouls, qui bat très fort pendant que l’on fait les préparatifs du sauvetage. — Casque de l’homme effrayant, ça a l’air d’une énorme bête marine fantastique, tenant le milieu entre l’ours et le phoque, surtout lorsqu’on l’a hissé hors de l’eau et qu’il se débattait entre le canot russe et la goélette.

Nous prenons un caïque à deux rameurs vêtus de chemises de soie (le premier en face de nous, suant à grosses gouttes, figure d’un officier d’armée d’Afrique), et nous remontons la Corne-d’Or. Après le pont de Mahmoud, flotte turque, vaisseaux désarmés, figures de lions et d’aigles à la proue. — Amirauté. — À gauche, Balata, casemate pour les canaux ; Eyub, mosquée enfoncée dans les bois, cimetière. La Corne-d’Or décrit une courbe : barrières dans l’eau ; le fleuve (réunion du Cydarès et du Barbéris) se rétrécit, prairies, kiosques de pachas, grandes herbes sur l’herbe, place de verdure où l’on descend, arbres à mi-côte ; avant eux cimetière juif, plus loin palais du Sultan. — Femmes dans des carrosses dorés, pâleur naturelle sous leur voile ou donnée plutôt par leur voile même (?) ; à travers leurs voiles, les bagues de leurs mains, les diamants de leur front. Comme leurs yeux brillent ! Quand on les regarde longtemps, cela n’excite pas, impressionne, elles finissent par avoir l’air de fantômes couchés là comme sur des divans ; le divan suit l’Oriental partout. Aux côtés des voitures arrêtées, musiciens qui jouent de différentes espèces de guitares aiguës et de flûte, accroupis par terre, Levantins à l’européenne : c’est un air vif et toujours le même. —