Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/80

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grec, costumé comme les paysans d’ici et dont je reconnais la dignité à sa grande barbe, roule un chapelet et essaie mon lorgnon. Une femme, paletot brodé, deux énormes glands d’argent longs lui ballottent sur les fesses, au bout d’un cordon, gros bas de laine très épais et bien plus bariolés encore que les chaussettes persanes, le jupon descend jusqu’au-dessus du mollet.

Les femmes grecques me paraissent courtes, ramassées, tailles assez lourdes, déformées sans doute par le travail ; toute la beauté, jusqu’à présent, me semble réservée aux jeunes gens. Ce matin, dans l’écurie, il y avait une douzaine de gredins embobelinés et drapés de toutes espèces de guenilles et de peaux, qui se chauffaient en rond à un grand feu clair ; un d’eux m’a offert un verre de vin que j’ai refusé, redoutant la résine.

De Kokla, la plaine de Platée, inculte, est relevée de place en place par des carrés réguliers de couleur tabac d’Espagne foncé : ce sont les rares endroits cultivés.

L’emplacement de Platée, sorte de vaste terrasse au-dessus du niveau de la plaine, se reconnaît à une enceinte de murs ruinés qui supportent les terrains. Çà et là deux ou trois colonnes ; un endroit que l’on dit être le tombeau de Mardonius, rien que des pierres ; par-dessus, ruines d’une construction turque ou d’une petite église grecque ? Toutes ces pierres, du reste, sont vilaines et considérablement abîmées par les taches de lichen.

De Kokla à Erimo-Castro, où nous arrivons à 2 heures de l’après-midi, rien. Nous suivons toujours la plaine sur un chemin passable, nous