Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/83

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tête en bas. Après le village nous entrons dans une église à sales peintures grecques où notre drogman (quel drogman ! miséricorde !) nous montre, sur une colonne, une inscription grecque illisible pour nous ; il nous dit que tous les voyageurs tiennent beaucoup à la voir.

La route prend à droite, on a l’air de quitter l’Hélicon et de passer seulement entre deux collines, puis tout à coup le sentier tourne brusquement à gauche et l’on est sur le versant gauche d’une ravine escarpée. Le chemin, qui court au flanc de la montagne en montant, en s’enfonçant, en se relevant, va parmi les pierres et les chênes nains, au bruit du ravin qui coule en bas, au-dessous de vous. Le pan de droite, à pic, est décoré de rochers gris taillés comme des cristaux, tenus dans de la terre rougeâtre, avec des bouquets de chênes nains et de chênes tout autour. Les chênes dépouillés sont plus grands, ils se tiennent auprès de l’eau ; d’à côté de vous partent de la roche des fontaines qui se perdent entre les troncs des arbustes et vont tomber dans le torrent.

Un soleil chaud nous tiédissait, on était étourdi du bruit des eaux, on avait les yeux singulièrement réjouis par les couleurs des roches et du feuillage, j’ai passé dans tout cela avec un sourire du cœur sur les lèvres.

Une grâce pleine de majesté ressort du singulier dessin de cette ravine, qui est comme un grand couloir bordé de séductions rustiques. J’ai vu de plus beaux paysages, aucun qui m’ait plus intimement charmé. À droite, il y a des dévals de la montagne tout verts, faiblement creusés, s’évasant, avec des troncs noueux de chênes sans