Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/86

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pellent à eux, avec un cri guttural qui me remet en tête ceux des muletiers de la Corse : tâe ! tâe ! Sur les versants sont des enclos en pailles, ovales et dont les murs sont très inclinés en dedans : c’est pour les moutons dont nous voyons ici de grands troupeaux ; laine singulièrement blanche et assez propre pour figurer dans une idylle, ce que j’attribue à leur habitude de toujours vivre en plein air ; à côté de ces parcs, grandes huttes pour le berger. J’en remarque un presque rond où il y a dedans d’autres petits enclos : l’un est pour les génisses, un autre pour les béliers, sans doute, tout comme au temps de Polyphème, quand il trayait son troupeau sur le seuil de sa caverne.

Descendant toujours par un versant qui incline, pour nous, de droite à gauche, nous arrivons bientôt au village de Kotomoula.

N (Dans une chambre voisine du khan où nous sommes, une vieille femme chante un air dolent et nasillard, une autre voix s’y mêle, je continue.)

Kotomoula. — Nous tournions dans les rues du village quand nous avons entendu des voix en chœur, et, tout à coup, sur une place, nous avons vu un chœur de femmes, avec leurs vêtements bariolés, qui dansaient en rond en se tenant par la main. Loin d’être criard comme les chants grecs, c’était quelque chose de très large et de très grave. Elles se sont arrêtées dans leur danse pour nous voir passer. Le chemin était entre la place et un mur ; au pied du mur, se chauffant au soleil, d’autres étaient assises et couchées par terre, vautrées comme si elles eussent été sur des