Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/97

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entre le gris naturel des roches et les verdures qui s’y sont cramponnées.

Nous apercevons bientôt le village de Topolia, à mi-côte ; devant lui, un rocher vert, à petits carrés longitudinaux, comme de grandes marqueteries ; un bois d’oliviers dominé par les hautes pentes des montagnes. Tout cela a quelque chose de déjà vu, on le retrouve, il vous semble qu’on se rappelle de très vieux souvenirs. Sont-ce ceux de tableaux dont on a oublié les noms et que l’on aurait vus dans son enfance, ayant à peine les yeux ouverts ? A-t-on vécu là autrefois ? N’importe ! Mais comme on se figure bien (et comme on s’attend à l’y voir) le prêtre en robe blanche, la jeune fille en bandelettes, qui passe là, derrière le mur de pierres sèches ! C’est comme un lambeau de songe qui vous repasse dans l’esprit… tiens… tiens, c’est vrai ! Où étais-je donc ? Comment se fait-il ?… Après, brrr !

Déjeuner sur le devant d’un épicier, en vue d’une nombreuse société de gamins qui nous considère, et d’un petit chien à qui nous donnons à ronger les os de notre morceau de chevreau.

On monte par une route escarpée, pavée, nous retrouvons la voie très bien dallée par places.

Les montagnes sont assez basses, à bassins resserrés ; cirques irréguliers où l’œil se roule en des courbes molles, sur une verdure parfois à tons foncés de brun ; places de vignobles, terres roussâtres.

Nous sommes dans un bois de petits chênes, à la hauteur des nuages qui, suspendus sur la vallée, à gauche, courent dans le même sens que nous. À un endroit où la pente s’infléchissait,