nous pensions que lui aussi s’y promenait il y a quelque vingt ans, regardant comme nous une de ces maisons-là pour y placer sa Marion de Lorme, et nous demandions à l’air, aux arbres, aux murs, à ce je ne sais quoi de persistant et d’individuel qui réside en un lieu, en constitue la couleur, et en est l’âme, le secret des premières floraisons du grand homme, alors que sa poésie, dans les pièces sans titre de ses premiers recueils, débordait en strophes chevelues pendantes comme des lianes, épanouissait ses métaphores comme des soleils, tressaillait en rythmes multiples et en harmonies incessantes. Que d’idées devenues des œuvres, que de rêves devenus des marbres ont éclos au coin de ce mur, au bord de ce fleuve, sous cet arbre, le matin à la rosée, dans les gouttes de l’herbe, ou par les soirs d’été, par ces beaux soirs ardents et tristes comme le premier amour, quand le ciel est rayé de longues lignes droites et que les essaims de moucherons tournent dans l’air comme des roues d’or !
Est-ce pour cela que Blois nous a charmés ? Près le débarcadère, d’ailleurs, n’y a-t-il pas une large avenue d’ormeaux à feuillage épaté et touffu, avec des branches robustes partant exprès d’en bas comme pour y suspendre la musette ? Vrais ormeaux XVIIIe siècle, poussés larges pour qu’on danse dessous, au son du violon du ménétrier qui, monté sur une barrique, bat la mesure de son pied sonore pendant que les cottes volent au vent, que les boucles poudrées se dénouent, et que les