Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/244

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roser les plantes. On le trouve par là, dans sa serre chaude, derrière les aloès et les palmiers nains, occupé à remuer le terreau des couches, ou à nettoyer les châssis. Les jeudis, jour d’entrées publiques, Ambroise y reçoit ses maîtresses derrière les caisses d’oranger, et il en a plusieurs, plus qu’il n’en veut. Il sait, en effet, s’en procurer, soit par ses séductions, soit par sa force ou par son argent dont il porte habituellement quantité sur lui et qu’il jette royalement dès qu’il s’agit de réjouir sa peau noire. Aussi est-il fort couru d’une certaine classe de dames, et peut-être que les gens qui l’ont mis là n’ont jamais été si fort aimés.

Au milieu du jardin, dans un bassin d’eau claire, couvert de plantes sur les bords qu’ombrage un saule pleureur, il y a un cygne. Il s’y promène, d’un coup de patte le traverse en entier, en fait cent fois le tour et ne songe plus à en sortir. Pour passer le temps, il s’amuse à gober les poissons rouges.

Plus loin, le long du mur, on a bâti quelques cages pour recevoir les animaux rares venus d’outre-mer, destinés au Muséum de Paris. Elles étaient vides la plupart. Devant l’une d’elles, dans une étroite cour grillée, un forçat chaussé de bottes fines instruisait un petit chat-tigre et lui apprenait comme à un chien à obéir à la parole. Il n’a donc pas assez de la servitude, celui-là ? Il la déverse sur un autre. Les coups de gourdin dont on le menace, il les donne au chat-tigre qui, un beau jour, sans doute, s’en vengera en sautant