Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/285

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laient et les feux de copeaux dont on flambait la carcasse des navires.

Le tour de la ville par les remparts est une des plus belles promenades qu’il y ait. Personne n’y vient. On s’asseoit dans l’embrasure des canons, les pieds sur l’abîme. On a devant soi l’embouchure de la Rance, se dégorgeant comme un vallon entre deux vertes collines, et puis les côtes, les rochers, et partout la mer. Derrière vous se promène la sentinelle dont le pas régulier marche sur les dalles sonores.

Un soir nous y restâmes longtemps. La nuit était douce, une belle nuit d’été, sans lune, mais scintillant des feux du ciel, embaumée de brise marine. La ville dormait ; les lumières, l’une après l’autre, disparaissaient des fenêtres, les phares éloignés brillaient en taches rouges dans l’ombre qui sur nos têtes était bleue et piquée en mille endroits par les étoiles vacillantes et rayonnantes. On ne voyait pas la mer, on l’entendait, on la sentait, et les vagues se fouettant contre les remparts nous envoyaient des gouttes de leur écume par le large trou des mâchicoulis.

À une place, entre les maisons de la ville et la muraille, dans un fossé sans herbe, des piles de boulets sont alignées.

De là vous pouvez voir écrit sur le second étage d’une maison : « Ici est né Chateaubriand. »

Plus loin, la muraille s’arrête contre le ventre d’une grosse tour : c’est la Quiquengrogne ; ainsi