Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/301

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grosses couleurs qui tranche comme une tache bigarrée sur la blancheur du mur de plâtre.

On s’approche du premier cadre et on lit au-dessous : La Demande en mariage. C’est un salon richement meublé, tapis vert, papier rouge, beaux cordons de sonnette des deux côtés de la cheminée qui est enrichie d’une pendule représentant le Temps avec sa faulx. Un jeune homme, — Quel jeune homme ! l’idéal du jeune homme : habit bleu à boutons luisants, cravate rose tirée droit entre les deux revers à schall d’un gilet de velours, et piquée d’une épingle en diamant, pantalon gris d’un collant très mythologique, jolies cuisses, petite bouche, charmante chevelure, souriant et l’air timide, — est présenté par son père à une dame assise dans une bergère et à une jeune personne plantée sur un tabouret. La mère enharnachée de dentelles a l’air un peu malade, un peu souffrant et sourit avec ce charmant sourire de la vieillesse indulgente contemplant l’amour ; le père du futur est un homme tout à fait bien, croix d’honneur, cravate blanche, air cossu, beaucoup de paquet. Quant au père de la jeune personne, c’est un vieux, tout ce qu’il y a de plus caduc et de plus vénérable, considérablement de cheveux blancs, bonne redingote jaune d’œuf à collet très haut, bombé comme une gouttière. Tous sourient à la fois, l’émotion, l’amour, les amours paternelles, maternelles, filiales, la joie, l’espérance, la satisfaction bien douce et le trouble inconnu se partagent, déchirent, agitent et charment les cœurs.