Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/367

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sort tout à coup et vous inonde de lumière, comme vous voyez passer devant vous et marchant vivement le long des rues désertes quelque admirable jeune fille, éternelle résurrection des beautés de la nature, qui surgit, quoi que les hommes fassent, au milieu des débris et reparaît plus belle derrière les tombeaux.

L’église de Fontarabie est sombre et haute, il n’y a plus ce jour insultant des temples du Midi ; les dorures répandues à profusion ont néanmoins quelque chose de bronzé qui est grave. Point d’ornements à l’extérieur, des grands murs droits comme à Saint-Jean-de-Luz qui ressemble aussi à l’Espagne. Nous y étions entrés le même jour, le matin ; on y disait une messe des morts ; il y avait peu de monde, quelques femmes toutes entourées de voiles et à une grande distance les unes des autres se tenaient au milieu de l’église, agenouillées séparément sur des tapis noirs et la tête baissée.

En me promenant dans Fontarabie, je m’ouvrais tout entier aux impressions qui survenaient, je m’y excitais et je les savourais avec une sensualité gloutonne ; je me plongeais dans mon imagination de toutes mes forces, je me faisais des images et des illusions et je prenais tout mon plaisir à m’y perdre et à m’y enfoncer plus avant. J’entendis, partant d’une maison dont je rasais le mur, une chanson espagnole sur un rythme lent et triste. C’était sans doute une vieille femme, la voix chevrotait et semblait regretter quelque chose