Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des urnes sur les tombeaux, où l’on vous peignait en manteau et chevelure au vent, où Corinne chantait sur sa lyre, à côté d’Oswald qui a des bottes à la russe, et où il fallait enfin qu’il y eût sur toutes les têtes beaucoup de cheveux épars et dans tous les paysages beaucoup de ruines.

Ce genre noble ne manque pas à la Garenne. Il y a un temple de Vesta et, en face, un temple à l’Amitié, grand tombeau renfermant deux amis (M. Lemot et le sénateur Cacot), ce qui fait passer un peu par-dessus le ridicule du nom qu’ils ont choisi pour leur boîte commune. Ne nions pas, en effet, les sentiments prétentieux et les enthousiasmes déclamatoires, on peut pleurer de bonne foi tout en arrondissant gracieusement le coude pour tirer son mouchoir, faire une pièce de vers sur un bonheur ou un malheur quelconque et le faire sentir aussi bien que ceux qui n’en font pas, et il n’est pas encore absolument prouvé qu’il soit impossible d’aimer la femme que l’on appelle sa déité ou son bel ange d’amour.

Les inscriptions, les rochers composés, les ruines artificielles sont prodigués ici avec naïveté et conviction. Sur un morceau de granit, on lit cet illustre vers de Delille :

Sa masse indestructible a fatigué le temps.

Plus loin, vingt vers du même Delille ; ailleurs, sur une pierre taillée en forme de tombe : In Arcadia ego, non-sens dont je n’ai pu découvrir l’intention.