Page:Flaubert - Salammbô.djvu/130

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touffes d’herbes ; ils arrachèrent les pieux du camp avec leurs trompes, le traversèrent d’un bout à l’autre en renversant les tentes sous leurs poitrails ; tous les Barbares avaient fui. Ils se cachaient dans les collines qui bordent la vallée par où les Carthaginois étaient venus.

Hannon vainqueur se présenta devant les portes d’Utique. Il fit sonner de la trompette. Les trois Juges de la ville parurent, au sommet d’une tour, dans la baie des créneaux.

Les gens d’Utique ne voulaient point recevoir chez eux des hôtes aussi bien armés. Hannon s’emporta. Enfin ils consentirent à l’admettre avec une faible escorte.

Les rues se trouvèrent trop étroites pour les éléphants. Il fallut les laisser dehors.

Dès que le Suffète fut dans la ville, les principaux le vinrent saluer. Il se fit conduire aux étuves, et appela ses cuisiniers.

Trois heures après, il était encore enfoncé dans l’huile de cinnamome dont on avait rempli la vasque ; et, tout en se baignant, il mangeait, sur une peau de bœuf étendue, des langues de phénicoptères avec des graines de pavot assaisonnées au miel. Près de lui, son médecin grec, immobile dans une longue robe jaune, faisait de temps à autre réchauffer l’étuve, et deux jeunes garçons, penchés sur les marches du bassin, lui frottaient les jambes. Mais les soins de son corps n’arrêtaient pas son amour de la chose publique, car il dictait une lettre pour le Grand Conseil, et, comme on venait de faire des prisonniers, il se demandait quel châtiment terrible inventer.