Page:Flaubert - Salammbô.djvu/134

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thumbal ! Va ! pas de pitié ! et qu’on m’apporte dans des corbeilles toutes leurs mains coupées !

Mais des cris bizarres, à la fois rauques et aigus, arrivaient dans la salle, par-dessus la voix d’Hannon et le retentissement des plats que l’on posait autour de lui. Ils redoublèrent, et tout à coup le barrissement furieux des éléphants éclata, comme si la bataille recommençait. Un grand tumulte entourait la ville.

Les Carthaginois n’avaient point cherché à poursuivre les Barbares. Ils s’étaient établis au pied des murs, avec leurs bagages, leurs valets, tout leur train de satrapes ; et ils se réjouissaient sous leurs belles tentes à bordures de perles, tandis que le camp des Mercenaires ne faisait plus dans la plaine qu’un amas de ruines. Spendius avait repris son courage. Il expédia Zarxas vers Mâtho, parcourut les bois, rallia ses hommes (les pertes n’étaient pas considérables), et enragés d’avoir été vaincus sans combattre, ils reformaient leurs lignes, quand on découvrit une cuve de pétrole abandonnée sans doute par les Carthaginois. Alors Spendius fit enlever des porcs dans les métairies, les barbouilla de bitume, y mit le feu et les poussa vers Utique.

Les éléphants, effrayés par ces flammes, s’enfuirent. Le terrain montait, on leur jetait des javelots, ils revinrent en arrière ; et à grands coups d’ivoire et sous leurs pieds, ils éventraient les Carthaginois, les étouffaient, les aplatissaient. Derrière eux, les Barbares descendaient la colline ; le camp punique, sans retranchements, dès la première charge, fut saccagé, et les Carthaginois se trouvèrent écrasés contre les portes, car on ne