Page:Flaubert - Salammbô.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’esclave reprit son costume, et ils sortirent ensemble de la maison et du port.

Hamilcar continua seul à pied, sans escorte, car les réunions des Anciens étaient, dans les circonstances extraordinaires, toujours secrètes, et l’on s’y rendait mystérieusement.

D’abord il longea la face orientale de l’Acropole, passa ensuite par le Marché aux herbes, les galeries de Kinisdo, le Faubourg des Parfumeurs. Les rares lumières s’éteignaient, les rues plus larges se faisaient silencieuses, puis des ombres glissèrent dans les ténèbres. Elles le suivaient, d’autres survinrent, et toutes se dirigeaient comme lui du côté des Mappales.

Le temple de Moloch était bâti au pied d’une gorge escarpée, dans un endroit sinistre. On n’apercevait d’en bas que de hautes murailles montant indéfiniment, telles que les parois d’un monstrueux tombeau. La nuit était sombre, un brouillard grisâtre semblait peser sur la mer. Elle battait contre la falaise avec un bruit de râles et de sanglots ; et des ombres peu à peu s’évanouissaient comme si elles eussent passé à travers les murs.

Mais, sitôt qu’on avait franchi la porte, on se trouvait dans une vaste cour quadrangulaire, que bordaient des arcades. Au milieu, se levait une masse d’architecture à huit pans égaux. Des coupoles la surmontaient en se tassant autour d’un second étage qui supportait une manière de rotonde, d’où s’élançait un cône à courbe rentrante, terminé par une boule au sommet.

Des feux brûlaient dans des cylindres en filigrane, emmanchés à des perches que portaient