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Page:Flaubert - Salammbô.djvu/334

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mentations retentirent. Partout on entendait les femmes crier ; leurs époux les consolaient ou les invectivaient en leur faisant des remontrances.

Trois heures après, une nouvelle plus extraordinaire se répandit : le Suffète avait trouvé des sources au bas de la falaise. On y courut. Des trous creusés dans le sable laissaient voir l’eau ; et déjà quelques-uns, étendus à plat ventre, y buvaient.

Hamilcar ne savait pas lui-même si c’était par un conseil des dieux ou le vague souvenir d’une révélation que son père autrefois lui aurait faite ; mais en quittant les Anciens, il était descendu sur la plage, et, avec ses esclaves, il s’était mis à fouir le gravier.

Il donna des vêtements, des chaussures et du vin. Il donna tout le reste du blé qu’il gardait chez lui. Il fit même entrer la foule dans son palais, et il ouvrit les cuisines, les magasins et toutes les chambres, celle de Salammbô exceptée. Il annonça que six mille Mercenaires gaulois allaient venir, et que le roi de Macédoine envoyait des soldats.

Mais, dès le second jour, les sources diminuèrent ; le soir du troisième, elles étaient complètement taries. Alors le décret des Anciens circula de nouveau sur toutes les lèvres, et les prêtres de Moloch commencèrent leur besogne.

Des hommes en robes noires se présentèrent dans les maisons. Beaucoup d’avance les désertaient sous le prétexte d’une affaire ou d’une friandise qu’ils allaient acheter ; les serviteurs de Moloch survenaient et prenaient les enfants. D’autres les livraient eux-mêmes, stupidement. Puis on les em-