Page:Fleischmann - Le Roi de Rome et les femmes, 1910.djvu/186

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d’autres ont peut-être quelques portions d’une perfection plus achevée, des yeux plus grands, une bouche plus heureusement épanouie, mais aucune n’est si complètement jolie que Fanny Elssler ; ce qui est séduisant chez elle, c’est l’harmonie parfaite de sa tête et de son corps ; elle a les mains de ses bras, les pieds de ses jambes, des épaules qui sont bien les épaules de sa poitrine ; en un mot, elle est ensemble ; qu’on nous passe ce terme d’argot pittoresque ; rien n’est beau dans elle aux dépens d’autre chose. On ne dit pas, en la voyant, comme de certaines femmes : « Dieu ! les beaux yeux ou les beaux bras ! » On dit : « Quelle désirable et charmante créature ! » Car tout étant élégant, joli, bien proportionné, rien n’accroche l’œil impérieusement, et le regard monte et descend comme une caresse au long de ses formes rondes et polies que l’on croirait empruntées à quelque divin marbre du temps de Périclès ; c’est là le secret du plaisir extrême que l’on éprouve à considérer Fanny Elssler, la danseuse ionienne qu’Alcibiade eût fait venir à ses soupers, dans le costume des Grâces, aux ceintures dénouées, une couronne de myrte et de tilleul sur la tête, et des crotales d’or babillant au bout de ses mains effilées.|90}}

{{taille|L’on a comparé souvent Fanny Elssler à la Diane chasseresse. Cette comparaison n’est pas juste ; la Diane, toute divine qu’elle soit, a un certain air de fille revêche ; l’ennui d’une virginité immortelle donne à son profil, d’ailleurs si noble et si pur, quelque chose de sévère et de froid. Quoique des mythologues à mauvaise langue prétendent qu’elle ait eu cinquante enfants d’Endymion, son bleuâtre amoureux, elle a dans le marbre neigeux où elle est taillée, un air de vierge alpestre e cruda, comme disait Pétrarque, qui ne se retrouve nullement dans la physionomie de Mlle Elssler ;