Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/102

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tu demanderas à le lui remettre en mains propres. Si tu le manques, tu risques de ne le plus revoir, car il doit repartir pour son ambassade de Rome. Si M. de Moncrif n’était pas mort et qu’il se fût trouvé là, il eût été fort intrigué lui aussi. Il te serait, à coup sûr, un Moncrif de Paradis… Ah ! sainte petite Raton, je fais pour toi un bien joli métier !…

Le lendemain, Raton prit un fiacre que Poitou lui alla chercher sur l’ordre de M. le Duc.

— Je te recommande cette limogère, avait dit Poitou en jetant l’adresse au cocher. Tu voudras bien attendre qu’elle ait fini sa commission, et tu la ramèneras ici. Le suisse te fera payer la course. Et toi, ajouta Poitou en entrant sa tête dans la voiture, j’aurai l’œil à ton retour. Tâche à remplir ta plotte avec ton ratichon couleur d’écrevisse pour me déficher cinquante rusquins. Ça vaut bien cinquante écus, Jarni ! Monseigneur aime surtout la conversation, car il n’est pas jeune. Parle-lui du Carmel pendant qu’il occupera ses mains…

Raton n’eut d’autre réponse qu’un regard de mépris que Poitou ne sembla pas comprendre, et le fiacre la porta à travers mille cahots et mille éclaboussures vers sa nouvelle destinée. Mais Raton ne l’appréhendait pas. Il lui semblait qu’elle allât vers un ami du Seigneur et son ambassadeur ici-bas.