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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/107

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tandis que Raton jouait avec le Saint-Esprit, qu’il est doux pour un vieil homme d’inspirer un mouvement d’amour ! Que pouvais-je espérer de toi, sinon une complaisance passive, et peut-être trop visiblement intéressée ? Ah, Raton ! les glaces de l’âge m’empêchent de te rendre plus heureuse !… Mais ce n’est pas moi que tu aimes, et ce n’est peut-être pas Dieu. Tu aimes l’Église, Raton, qui t’a séduite par ses magnificences, ses chants, ses orgues, ses parfums, sa poésie, sa sécurité, et qui t’accueille dans son sein au même titre que les duchesses… Mais pourquoi faut-il que les couvents de France aient perdu l’aimable liberté qui règne encore dans ceux d’Italie ? Là, une fille qui redoute la servitude du mariage ou les dures nécessités du siècle, peut conserver une affection mondaine ou céder à ses fantaisies, si toutefois elle ne commet pas d’imprudence… Oui, que ne sommes-nous en Italie mon enfant !

Ferte, quid hic facio ? rapidi mea carbasa, venti
Ausonios fines cur mea vela vident ?

Amen ! fit Raton, qui crut à une prière et se signa vivement.

— Venise !… soupira M. de Bernis, après une pause pour révérer la mémoire du poète des Tristes, auquel il