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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/121

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Poitou ne lui laissa pas le temps d’une oraison. Elle ne put que s’offrir à Dieu dans un regard. Pourtant, il ne l’abandonna pas dans sa course : il soutint son courage en apparaissant dans le dos du cocher. Celui-ci ouvrit lui-même la portière, car Raton ne s’apercevait pas qu’elle fût arrivée.

Au nom de M. le Duc, un laquais de couleur, du plus beau noir, et plus chamarré que M. Rapenod, conduisit Raton à travers des pièces et des galeries où l’or relevé en bosse éclatait de toutes parts. Il la laissa au seuil d’un petit salon de coquette en l’annonçant sous les pompeux auspices qu’elle avait invoqués.

M. Peixotte était un petit homme ventripotent aux doigts chargés de bagues. Il sautillait comme un maître à danser en faisant tintinnabuler quantité de breloques. Il lui en pendait même des oreilles sous les espèces de petits anneaux d’or. Ses yeux noirs pétillaient sous des sourcils poivre et sel aussi fournis que des moustaches, et l’on s’étonnait qu’une bouche si lippue ne dévorât pas à chaque parole le nez fortement charnu qui semblait s’offrir à son avidité.

Il se leva pour s’emparer de Raton comme s’il eût ouvert un bal, et la conduisit en quelques entrechats jusqu’au divan où il se laissa choir avec elle.

— Tu as un bien charmant minois pour une nonne !