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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/158

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Celle-ci commença de savourer la messe dans tous ses détails liturgiques, ainsi qu’un plaisir qu’elle ne goûterait pas de si tôt. Elle ne doutait pas que Mme Gourdan ne fût pieuse, étant l’amie de M. l’abbé Lapin ; mais la conduirait-elle justement au Carmel ? Et d’ailleurs, comment s’y rendre sans rencontrer Mme la Duchesse ? Les autres églises lui paraissaient indifférentes, car elle considérait celle du Carmel comme la sienne propre, la maison où elle devait vivre et mourir et qu’elle acquérait petit à petit par le commerce de son corps. C’était, en effet, la payer d’une chose de rien, et elle se reprocha ses révoltes passées, ses dégoûts, ses humiliations, se promettant d’accomplir, non pas avec servilité, mais avec allégresse, bon vouloir et coquetterie tout ce que de pauvres fous attendraient d’elle sans parvenir à la troubler ni la détourner de son dessein. Elle céderait à leurs exigences comme à l’obligation des repas, qu’elle prenait sans appétit ni gourmandise.

Pourtant, l’idée qu’elle se formait de sa nouvelle maîtresse ne laissait pas d’être fort inexacte. Elle s’en tenait à des commodités qu’elle imaginait beaucoup plus grandes que chez Mme la Duchesse et sans qu’un Poitou lui dévorât la moitié de son bien. Faisant le compte de ce qui lui restait et de ce qu’elle pouvait acquérir, elle pensa qu’il ne lui faudrait guère plus d’un trimestre pour