Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/187

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la dérision ? Ou ne dois-je pas plutôt t’emmener avec moi ? Je chanterai pour toi dans les rues. Je me passerai de râpé. Je vivrai d’oignons comme Israël, et je laverai ma chemise dans la Seine. Tu coucheras, la nuit, sur mon grabat, et je m’étendrai sur le palier, en travers de la porte, pour reposer mon vieux corps abattu. Peut-être verrai-je, entre les planches disjointes, briller comme une aurore la splendeur divine, quand Notre-Seigneur te visitera, ses mains trouées pleines de rayons, ou que les Anges viendront veiller sur ton sommeil, couronnés de nimbes de lumière !

— Je ne t’ai jamais vu dans cet état, dit la Gourdan qui se leva et posa ses mains sur les épaules de l’abbé. Il se passe en toi quelque chose d’extraordinaire ! Cependant, il est dans ton extravagance un je ne sais quoi qui me remue. Serait-ce le regret de ta jeunesse ? Serait-ce le repentir de tes fautes, encore que tu n’aies jamais eu la belle mine d’un Cartouche ou d’un Mandrin, seulement celle d’un faussaire ou d’un maquereau malchanceux ? Serait-ce…

— C’est Dieu, dit l’abbé.

— Peut-être, après tout ! dit la Gourdan. Ça n’empêche pas que tu pues le vin et le reste comme les cinq cents diables !… Mais enfin, que nous parles-tu de partir et d’emmener Raton ? Il ne sera rien entrepris contre sa