Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/204

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Les vingt filles de la Gourdan les regardaient en se parlant à l’oreille. Au milieu d’elles, leur maîtresse les semblait approuver de la tête. Quelques-unes cueillaient leurs larmes du bout du doigt pour qu’elles ne marquassent pas sur le fard. Enfin, le couple délia son étreinte. La Boiteuse, qui représentait Vénus en sa parfaite douceur, comme dit le vieux Montaigne, se détacha de ses compagnes et prit la main de Raton qu’elle appuya contre sa gorge découverte.

— Et nous, fit-elle, nous t’abandonnerons trois livres sur chacune de nos passes, parce que tu es la meilleure et la plus jeune. Tu auras ta tirelire comme si tu étais notre enfant. Elle restera sur la cheminée du salon, où les michés seront invités à la garnir.

Raton n’entendait pas les mots de passe et de michés. Mais elle comprit à celui de tirelire qu’on lui souhaitait du bien. Aussi embrassa-t-elle ses sœurs sur les joues de la gentille Boiteuse, aux applaudissements de toute l’assemblée.

— Voilà qui est beau dit l’abbé, et qui servirait d’une grande leçon à de somptueux cafards, sans nommer personne de la rue de l’Université. Seul, le pauvre aide le pauvre. Le riche le fait servir à son plaisir, quand ce n’est pas d’escabeau à sa superbe. La Justice divine ne voulut-elle pas que le premier élu, après la