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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/210

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les attirait toutes deux, et elle craignait que ses filles ne s’éprissent de la nouvelle dont on ne se pouvait défendre de la séduction. Ainsi, c’était maintenir l’ordre dans la maison, sans le troubler par des querelles de rivales. C’était encore économiser une chambre et un lit.

La Boiteuse, qui se nommait Nicole comme les servantes de Molière, avait entraîné Raton à cette heure tardive où pâlissent les lanternes. Il ne restait plus que cinq ou six filles somnolentes, qui profitèrent, elles aussi, de la permission de s’aller coucher, non pas dans ces charmants boudoirs où elles recevaient les visiteurs sur un lit d’apparat, reflétées par les quatre murs et le plafond tapissés de glaces, mais dans de petites loges peintes à la chaux, où elles se seraient crues prisonnières s’il n’avait été loisible à leur fantaisie de les parer et les fleurir.

Cependant, la Boiteuse, qui couchait seule, n’avait pas pris la peine de tendre la sienne de cotonnades à ramages. On n’y voyait qu’un lit de sangles, et, au-dessus d’une table de toilette, un miroir tout piqué et contenu dans un de ces cadres de sparterie que confectionnaient les galériens pour relever l’ordinaire de la chiourme. Il y avait encore un placard sans clef où pendaient quelques nippes brillantes, mais rien qui pût se mettre dehors. C’est que la Boiteuse avait pris le parti