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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/226

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le sort l’avait laissée en compagnie de deux autres filles aussi malchanceuses, mais qui goûtaient comme elle l’oubli des turpitudes dans un sommeil de plomb, en attendant l’heure prochaine où il leur serait permis de regagner leurs chambres. Pourtant, Raton rêvait, appuyée contre une table et le front sur son coude. La Bible dont elle donnait lecture était tombée à ses pieds.

Elle voyait en rêve les soldats de Néron arracher les vierges saintes à leurs retraites souterraines pour les conduire au supplice dans l’arène des bêtes féroces. Et Raton bénissait Dieu d’être au nombre de celles que l’on devait saisir. Sa porte de planches pourries par l’humidité du caveau résistait à peine. Ne valait-il pas mieux ouvrir, marcher au-devant des bourreaux, braver leur iniquité ? Comme elle allait s’y résoudre pour mériter davantage la palme glorieuse, voilà que la porte cède et que des hommes font irruption, élevant une torche étincelante dans un grand cliquetis d’épées…

À vrai dire, c’était la garde qui s’était emparée du spadassin et recherchait le fugitif partout où il pouvait être. Derrière, parfaites images de victimes, se voyaient des filles nues, qui pleuraient à chaudes larmes, des galants sans perruque qui tremblaient de saisissement sous un vêtement sommaire, et que l’on paraissait avoir ignominieusement tondus. Il y avait encore des vieillards