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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/232

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le goût impie de feu d’Argenson, de Peixotte ou bien du duc de Richelieu, ce Fronsac, véritable incarnation du diable, qui faisait peindre toutes ses maîtresses sous les costumes des divers ordres : Mlle de Charolais en récollette et en cordelier, les Maréchales de Villars et d’Estrées en capucines… Ils avaient tout uniment choisi la Belle pour sa beauté, et parfois même pour sa nouveauté dans la maison, là comme ailleurs grand mobile de l’inconstance. La Gourdan tirait alors entre vingt le cordon de sonnette correspondant au boudoir de la Belle, et celle-ci se jetait négligemment sur une ottomane pour attendre son maître d’une nuit, d’une heure ou d’un instant.

Il arrivait rarement que l’on exigeât d’opter sur le vif entre plusieurs demoiselles. C’est plutôt la pratique des militaires, qui traitent les filles en plastrons de corps de garde. Eux, dont la coutume est de passer devant les rangs ou le front de bandière, vous choisissent un tendron comme ils diraient à l’un de leurs hommes : « Ami, je te félicite de ta fière mine et du bon entretien de tes armes. Voilà pour boire au cabaret… Quand aux autres, que l’aze les f…, et que la Peste les crève ! »

On traitait encore par correspondance avec la Mère. Elle reçut un jour la lettre suivante qui lui fit décider de choisir Raton comme prima donna :