Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/374

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psalmodie de l’hymne. Mais le cliquettement de la Sous-Prieure fut sans effet. Henriette de la Miséricorde et Madeleine de Saint-Joseph, voisines de Raton, firent de timides efforts pour l’avertir de reprendre sa place en sa chaise, l’une la tirant par le derrière de sa robe, l’autre par sa manche.

La psalmodie en était troublée ; les voix ne suivaient plus ni la mesure ni l’accord. On attendait que la Révérende-Mère ou Sophie de Sainte-Anne intervinssent. Mais il ne se passa rien, et le chant reprit peu à peu son assise.

Cependant, Raton contemplait le Bien-Aimé dans sa misère pathétique. Elle l’aidait à porter la Croix avec Simon le Cyrénéen, et semblait même se substituer à lui, autant qu’il s’en pouvait juger par les mouvements, les inclinations de son corps, les veines de son cou qui se gonflaient à rompre, et les souffles d’ahan qui lui sortaient de la poitrine. Son front ruisselait, non seulement d’eau, mais de sang véritable, comme si la couronne d’épines s’y fût enfoncée. Malgré leur jalousie, les religieuses ne purent se tenir d’un grand élan de piété admirative pour celle qui se révélait une sainte après avoir passé pour une novice ambitieuse ou trop zélée. Elles faillirent se précipiter quand des mains de Raton ruisselèrent quelques jets purpurins. Alors, il sembla que Raton ne souffrît plus et qu’elle fût tout entière à l’extase.