Aller au contenu

Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

louant la politesse de Raton, qui était par surcroît une « cholie fille, tarteufle ! ». Les valets pouffaient dans leurs assiettes en se donnant du coude dans les côtes : ils n’étaient pas dupes de la méprise réciproque de Mlle Raton et de M. Rapenod. Quant à Raton, elle rougissait de se savoir la cause de cette joie mal réprimée, des confidences que l’on échangeait à voix basse après l’avoir regardée effrontément, des mines pincées qu’affectaient à son égard les personnes de son sexe. Le compliment de M. Rapenod, les regards tantôt énamourés, tantôt chargés de rancune de M. Poitou avaient achevé de la démonter. Elle ne levait plus les yeux et ramenait les jambes sous sa chaise pour échapper aux entreprises du pied de son voisin, que l’on appelait M. Grand-Jean. M. Grand-Jean buvait ferme, portait des santés ironiques à M. Rapenod, lançait des lardons et des équivoques, curait ses dents gâtées au moyen de son couteau de poche et grattait ses cheveux rousseaux. Sans M. Poitou qui répondait pour elle aux questions, elle eût été bien empêchée.

Le repas avait pris fin à son grand soulagement. M. Rapenod, que le vin attendrissait davantage, pria Mlle Macée, fille de charge, de montrer le chemin de sa chambre à Mlle Raton. M. Grand-Jean s’était proposé en arrondissant le bras comme un danseur. M. Poitou