Aller au contenu

Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulais-je dire, Raton, que j’avais plaisir à prier chez elles parce que je me retrouvais au milieu de mes bonnes amies. J’imagine que je n’ai pas à me déranger, qu’elles ont choisi ma maison pour une neuvaine. On ne se parle pas, et voilà tout. D’ailleurs, pourquoi parlerait-on, puisque l’on chante ? Enfin, ces dames ne m’apprendraient rien que je ne sache d’elles-mêmes. Au parloir, je pourrais leur donner des nouvelles de ceux-ci et de ceux-là qui ont fait une fin ou qui continuent de bourreler les cœurs. L’un est ministre du Roi pour l’étranger. Il séduit à Rome, à Londres, à Lisbonne, à Vienne. L’autre jouit en paix de sa trahison, heureux qu’il existe des couvents où les femmes de cœur se confinent à jamais sans accabler un homme de leurs poursuites et de leurs reproches. Je pourrais encore apprendre à telles autres, qui se sont retirées du monde pour faire pièce à la volonté paternelle, ce que sont devenus les fiancés de leur préférence et ceux qu’on leur voulait imposer. Mais à quoi cela servirait-il ?… Qui vit là est bienheureuse, le siècle meurt à sa porte, et l’amour de Dieu est tout uni, sans alarmes ni rivalité. Ainsi jusque par delà les âges. On n’en voit pas la fin… Ah ! M. le Duc peut hausser les épaules et dire que ce doit être bien fatigant : il est encore doux pour une femme d’offrir au Divin Maître un cœur qu’il ne repousse pas dans son insatiable, son éternelle avidité !