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LITTÉRATURE ORALE

ciel et le grésillement des criquets dans l’épaisseur des herbes, on se sent tout heureux de vivre.

Mais l’hiver, quand le vent souffle avec violence emportant les dernières feuilles des arbres, tourbillonnant dans les cimes et grésillant dans le feuillage fauve des jeunes hêtres, lorsqu’une ondée vient de temps à autre s’abattre sur le voyageur attardé, enveloppé par la nuit, la lande se fait lugubre, et comme on n’a pas toujours de points de repère, on s’égare souvent. Grisé par la marche et quelquefois par les vapeurs du cidre, le paysan qui rentre chez lui soit à pied, soit à cheval en revenant de la ville, est souvent pris d’une sorte de vertige ; il perd le sentiment de l’orientation ; il ne reconnaît plus le petit sentier qu’il lui faut suivre et croit s’être égaré, il en prend un autre et se reconnaît moins encore ; un buisson, un arbre, quelque pierre blanche qu’il a remarqués reparaissent toujours. Il marche, il chevauche fièvreusement, il est épuisé de fatigue et se retrouve toujours au même point. Quelquefois il s’arrête de désespoir, s’assied sur quelque pierre et attend ainsi le jour.

Le lendemain il vous apprend qu’il s’est égaré parce qu’il a marché sur male herbe, sur l’herbe de