Riquet et Marquise n'ont jamais été ensemble. Veuve Riquet se dit de la marchande du coin. Mon mari, au reste, s'appelait Monsieur Riquet, j'en conviens ; mais, depuis sa mort, j'ai hérité du marquisat de la Thibaudière, et j'en prends le nom, comme de son vivant il l'aurait pris lui-même, s'il avait été raisonnable. Allons, n'en parlons plus. Que devenez-vous aujourd'hui ? Avez-vous des nouvelles de mon affaire ?
MONSIEUR LORMEAU
Oui, Marquise ; et je venais vous dire que je vous amènerai tantôt la personne avec qui je travaille à vous marier, pour vous éviter le procès que vous auriez ensemble touchant votre succession ; c'est un homme de distinction qui vous donnera un assez beau rang. Mais, de grâce, ne changez rien aux manières que vous aviez il n'y a pas plus de huit jours ; et laissez là les pratiques galantes, et la coutume des comtesses, marquises et duchesses… Adieu, cousine.
MADAME LA THIBAUDIÈRE
Salut au cousin.
Scène VIII
MADAME LA THIBAUDIÈRE, MADAME LÉPINE, CATHOS
MADAME LA THIBAUDIÈRE
Les pratiques galantes et la coutume des comtesses, marquises et duchesses : les plaisantes expressions !… c'est que nos manières sont de l'arabe pour lui.
CATHOS
C'est moi qui lui ai enseigné cet arabe-là pour rire.
MADAME LÉPINE
Ha ! que ce gentilhomme est grossier, Marquise ! que Monsieur votre cousin est campagnard !
MADAME LA THIBAUDIÈRE
Ha ! d'un campagnard, d'un rustique !…
CATHOS
D'un lourd, d'un malappris !
MADAME LÉPINE
Savez-vous bien, au reste, que vous venez de m'étonner, Marquise ?
MADAME LA THIBAUDIÈRE
Comment ?
MADAME LÉPINE
Oui, m'étonner ! Je vous admire ! Vous avez eu tout à l'heure des façons de parler aussi distinguées, d'un aussi bon ton, des tours d'une finesse et d'une ironie d'un aussi bon goût qu'il y en ait à la cour. Vous excellerez, Marquise, vous excellerez.
MADAME LA THIBAUDIÈRE