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LES COULISSES DE L’ANARCHIE

mobilier et se réfugiait en province pour ne pas sauter avec le juge d’instruction, l’instant unique ou l’on put lire sur la façade de quelques immeubles, — voire sur la porte d’un hôtel garni, louche et borgne, sis au fond du quartier des Épinettes — cet écriteau inoubliable : « Il n’y a pas de magistrats dans la maison. » L’anarchiste devenait un locataire précieux, une sorte de garantie vivante, un rempart. Donc le « proprio » de la rue Duperré répondit de son homme, — le plus doux des hommes, monsieur le commissaire, doux comme un agneau !

Après trente jours d’une détention sans nuages, l’anarchiste était rendu à la liberté ; et il lui sembla que pendant son internement, la crise sociale s’était considérablement apaisée. Sérieusement, la situation s’améliorait. Il y avait comme une détente. Le capital paraissait s’amender, dépouiller ses funestes habitudes, renoncer à ses erreurs :

On ne lui présentait pas sa quittance d’avril et il n’était pas plus question de la quittance de janvier que si elle eût été payée à présentation.

D’abord cette situation le charma d’autant plus que le concierge, jadis rogue et mal embouché, était devenu, comme par un coup de féerie, jovial, littéraire et caressant. Un concierge pur style Louis XV ; genre vieux Sèvres. Mais on ne résiste pas plus à trop de félicité qu’à trop de misère. À mesure que l’anarchiste savourait sa joie, une inquiétude germait en lui. Il songeait :