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LES COULISSES DE L’ANARCHIE

mutatus ! Le cher ami du mois d’avril était redevenu parfaitement tranquille, absolument rassuré quant aux menaces des anarchistes, et c’est de la voix la plus cassante, sur le ton le plus comminatoire qu’il disait au concierge :

— Si le repris de justice du troisième n’a pas payé ses trois termes demain à midi, vous le ferez jeter dehors par mon huissier… Je n’ai pas envie de me déranger une fois de plus pour ce sale muffle !

La nuit même, sous le ciel d’encre troué d’étoiles, sillonné par les chandelles romaines du gouvernement, notre anarchiste procédait à un déménagement clandestin et courait reprendre son rang dans la Ligue des anti-propriétaires.

Quand ce n’étaient pas les propriétaires, c’étaient les restaurateurs.

Un fait inouï s’est produit aux environs de la Madeleine, dans un restaurant que nous pourrions nommer.

Par une douce matinée d’avril, un consommateur, assez correctement vêtu, s’attablait au restaurant X…,et commandait un déjeuner bizarre. D’instinct, il eût préféré un bœuf à l’huile, une salade de cervelas et un morceau de fromage de brie. Le garçon lui assura que ce genre de menu n’était guère usité dans l’établissement. Il porta alors son choix sur des plats mystérieux affublés de noms étrangers : des Rastigaï à la smetana, des coulis de Tartavelles aux œufs de vanneau du Caucase. Il but