Certes on est tenté de sourire aujourd’hui, de hausser les épaules au souvenir de ces poltronneries. Mais ce fut ainsi. Oui, Paris, malgré son indignation, a contenu un certain nombre d’anarchistes honteux, résignés à pactiser avec l’attentat, à faire bon visage aux dynamiteurs. Nous avons eu les anarchistes anonymes, les anarchistes par intimidation, les anarchistes par peur et par lâcheté !
Oui, Paris, grand, noble et cher Paris ! tu as connu cette panique sans nom, cet affolement sans excuse, ce vertige sans catastrophe et sans abîme ! Toi, l’héroïque Paris du grand siège, qui souriais sous les bombes et fredonnais ta Marseillaise enflammée devant l’Allemand vainqueur, tu as tremblé comme un enfant perdu devant Léon Kœnigstein, dit Ravachol, dont tu fus délivré par un garçon marchand de vins !
Tu as tremblé. Pourquoi ? Parce que dans la cité géante où chaque jour tu salues des cortèges funèbres, deux hommes, un soir de printemps, furent tués d’un coup de poudre ; et parce qu’un fanatique causa deux cent cinquante mille francs de dégâts dans deux immeubles ! Et tu bois de l’eau de Seine sans pâlir, comme si cette eau ne contenait pas trente-sept millions de microbes typhiques par centimètre cube ! Et si tes médecins t’annoncent le choléra, tu vas au-devant du fléau en chantant des refrains du Chat noir.
Eh bien, lecteur, mon ami, mon frère, veux-tu savoir devant quelles espèces tu as frissonné ? Con-