Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/103

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vait de la ville ; les hautes masses de rochers qui se trouvaient dans l’ombre rappelaient les descriptions que le paganisme nous a laissées de son enfer. La mer était calme ; les trois navires mouillés dans la rade n’éprouvaient aucune oscillation perceptible ; tandis que M. Chabrié, assis au bout de la cage sur laquelle j’étais étendue, la tête appuyée sur une de ses mains, dans une attitude mélancolique qui s’harmonisait avec tout cet ensemble, regardait le ciel avec une expression de douleur.

Je restai longtemps en muette contemplation de cette scène. Dans ces belles nuits, les êtres de la création, privés du mouvement, semblent exprimer un bonheur sans mélange : l’accent de la douleur ne se fait pas entendre, et ce silence est, pour le cœur torturé, la plus persuasive des consolations. Peu à peu je sentis la douce influence qu’exerce la lune sur toute la nature ; le calme rentra dans mon âme, et je retrouvai mes sens pour admirer la beauté majestueuse du ciel.

Je n’osais parler à M. Chabrié par crainte de troubler sa rêverie. Je fis un léger mouvement ; il se retourna aussitôt, et, me voyant les yeux ouverts, se leva précipitamment ; puis,