Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/129

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pouvions mettre la tente pour nous en garantir, à cause de la fréquence des changements de vents. Chacun de nous, sur le pont, cherchait à se blottir dans un coin le mieux qu’il pouvait, afin d’avoir un peu d’ombre mais tous nos efforts étaient vains, et nous ne pouvions pas plus réussir à nous mettre à l’abri du soleil que de la pluie. C’était pitié de nous voir aussi mouillés que si la mer nous eût couverts de ses ondes, abattus par la chaleur, la fatigue et le sommeil. Nous éprouvions une soif dévorante, nous n’avions aucun fruit frais dont nous pussions nous rafraîchir. L’eau de rapprovisionment était renfermée dans des tonnes qui, toutes sur le pont, s’échauffaient par l’ardeur du soleil à un tel point que l’eau était plus que tiède. Nous avions la bouche sèche, brûlante : nous ressentions comme une espèce de rage.

Malgré les soins et les complaisances que ces messieurs du Mexicain eurent pour moi dans cette occasion comme pendant tout le voyage, je crus que je succomberais à la fatigue dont je fus accablée au passage de la ligne. M. Chabrié m’avait fait défoncer un tonneau vide, qui me servait d’abri : au moyen de cette maison roulante, j’étais, par exception aux autres personnes du