Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/145

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très faible. Il était de Bordeaux ; mais ayant fait à Paris son apprentissage de cuisinier, il y avait pris toutes les manières du Parisien. C’était un beau parleur, un grand liseur de romans. Il avait servi comme cuisinier à bord d’une frégate de l’État, et passé le cap de Bonne-Espérance.

Naviguant en juillet et août à l’extrémité méridionale de l’Amérique, nous n’avions que quatre heures de jour, et, lorsque la lune n’éclairait pas, nous étions pendant vingt heures dans une obscurité profonde. Ces longues nuits, augmentant les difficultés et les dangers de la navigation, sont cause de nombreuses avaries ; les mouvements violents du navire, le sifflement affreux des vagues ôtent toute faculté pour s’occuper à chose quelconque. On ne pouvait ni lire, ni se promener, ni même dormir. Que serais-je devenue pendant les six semaines de cruelles souffrances que nous eûmes à endurer dans ces parages, si, abandonnée à mes propres forces, mon âme n’eût été réchauffée par la suave et pure affection de M. Chabrié ?

Avant de monter sur le pont pour y faire son quart, M. Chabrié venait auprès de mon lit et me demandait avec sa voix qu’il faisait