Aller au contenu

Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec son amour, la puissante protection qu’il m’offrait. L’instinct de leur propre conservation a été donné par Dieu à toutes ses créatures, et quand la vie est en péril, il est permis, je crois, d’user pour la défendre des moyens que la Providence laisse à notre portée. J’eus peur de l’abandon ; de la protection d’autrui pouvait dépendre mes jours, et je me cramponnais à l’amour de M. Chabrié comme le naufragé à la planche qui surnage.

D’ailleurs j’espérais pouvoir faire comprendre à M. Chabrié que mon amitié lui serait aussi douce que l’amour des autres femmes. Ce n’était pas orgueil de ma part ; j’étais de bonne foi mais je me trompais entièrement. Quand je me retrouvai seule avec M. Chabrié, il me demanda ce que j’avais décidé sur son sort.

— J’ai décidé, lui dis-je, que vous serez toute ma vie mon ami, mon bien bon ami, que j’aimerai tendrement. — Et rien de plus !… me demanda-t-il d’une voix émue. Ah ! que je suis malheureux ! continua-t-il en laissant tomber sa tête dans ses mains.

Je restai longtemps à le considérer : les veines de son front se gonflaient ; il tressaillait comme