Aller au contenu

Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

somme, vous pourrez payer vos factures et fournir encore à David les moyens de recommencer sur nouveaux frais.

— Je vous reconnais bien à cette générosité ; mais, chère Flora, je vais vous faire connaître le fond de mon cœur : cette fortune que vous espérez, dont vous êtes si digne de jouir, moi je la redoute ; je frémis à l’idée qu’elle peut vous échoir.

— Eh pourquoi donc ? bon ami !

— Chérie ! je vous le répète, vous ne connaissez pas la turpitude des hommes, leur noire méchanceté et les absurdes préjugés qui gouvernent le monde.

— Mais, Chabrié, je ne comprends pas…

— Écoutez Flora, vous êtes maintenant sans fortune ; si je vous épouse, on dira bien dans le monde que j’ai fait une sottise, un coup de tête ; mais ceux dont l’âme est noble et généreuse, m’approuvant, diront : il a bien fait d’épouser la femme qu’il aime ; si, au contraire, je me marie avec vous lorsque vous serez devenue riche, oh ! alors tous répandront à l’envie que l’intérêt seul m’a guidé, que je n’ai pas balancé à passer par-dessus l’honneur ; car, sous ce mot honneur, le monde comprend aussi les absurdes préjugés