Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

un feu liquide ; et, portant mes regards vers les Cordillières, j’éprouvais le tourment de l’ange déchu, banni du ciel.

— Don Balthazar, lui demandai-je avec effroi, est-ce du métal fondu dans lequel nous sommes et avons-nous longtemps à marcher dans cette mer de feu ?

— Vous avez raison, mademoiselle ; le sable est tellement brûlant, qu’on peut bien le prendre pour du verre en fusion.

— Mais, señor, le sable est liquide ?

— Mademoiselle, c’est l’effet du mirage qui vous le fait paraître ainsi ; regardez, nos mules de charges s’y enfoncent actuellement jusqu’aux genoux : elles sont haletantes, le sable brûle leurs pieds ; et, néanmoins, comme vous, elles croient voir dans l’éloignement une nappe d’eau. Voyez-les redoubler d’efforts pour atteindre cette onde fugitive, leur soif ardente s’en irrite ; les pauvres bêtes ne pourraient résister longtemps au supplice de cette déception.

— Avons-nous de l’eau pour les désaltérer.

— On ne leur en donne jamais en route ; le propriétaire du tambo en fait provision pour les voyageurs qu’il sait devoir lui arriver.

— Don Balthazar, malgré l’explication que