Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/304

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pour que rien ne manquât à son horreur. La tombe a été élevée à l’endroit même où le jeune homme est mort ; on lit sur la pierre tumulaire sa déplorable fin. Je me représentais si vivement les souffrances que ce malheureux avait dû éprouver à se sentir expirer en ce lieu, loin des siens ! mon imagination m’en grossissait tellement les douleurs ; j’en étais si profondément affectée, que j’appréhendai un instant de mourir, moi aussi, à cette même place. Ce moment fut horrible ! Je me rappelais ma pauvre fille et la suppliais de me pardonner la mort que j’étais venue chercher à quatre mille lieues de mon pays. Je priais Dieu qu’il la prît sous sa protection : je pardonnais à tous ceux qui m’avaient fait du mal, et je me résignais à quitter cette vie. J’étais anéantie, fixée à la tombe, je ne pouvais plus bouger. Don Balthazar fut encore mon sauveur : il me porta sur ma mule, m’y attacha avec son poncho, m’y soutint de son bras vigoureux ; et, pressant le pas des bêtes, il me fit arriver, comme par un tour de force, au sommet du dernier pic. On me coucha à terre ; mes trois compagnons me parlaient à la fois avec un accent de bonheur : — Chère demoiselle, ouvrez les yeux ; voilà la verte campa-