Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/364

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lement qu’il ne partirait point que notre mariage ne fût fait.

De ma vie je ne m’étais trouvée dans une position aussi cruelle que celle où me mettait l’obstination de Chabrié. Je lui dis tout ce que je pus imaginer pour lui faire entendre raison ; il répondait à tout ce perpétuel refrain : — Si vous m’aimez, donnez-m’en la preuve ; si vous êtes heureuse de l’union que je vous propose, pourquoi la retarder ? Je vais être encore forcé de vous quitter ; mon état m’expose à périr à chaque instant, peut-être ne vous reverrai-je jamais ; pourquoi donc ne pas profiter de la vie pendant que nous en jouissons encore ?…

On peut bien croire qu’en cette circonstance j’usai de toute mon influence sur Chabrié, afin de lui faire sentir qu’il y allait de notre intérêt, de notre bonheur, d’attendre avant de conclure ce mariage, qu’il eût terminé ses affaires et moi les miennes. Mais je ne sais quel démon s’était emparé de son esprit ; mes paroles, mes prières, mes plus vives instances restèrent sans succès. Chabrié avait été cruellement trompé à plusieurs reprises, il en était devenu défiant ; de plus, la jalousie le privait de la faculté de raisonner.