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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/377

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contraire, j’ai fini par être assuré que c’était la base la plus sûre, et que sur celle-là seulement il fallait s’appuyer. J’ai reconnu avec épouvante, dans le temps où je pensais à une fin sérieuse, que, de tous les points du globe, aucun n’était si dépourvu des éléments qui constituent le bonheur intérieur que celui-ci, et quoiqu’il m’en ait coûté bien des peines et des pertes, je bénis le jour où j’ai été tout à fait désabusé. Mes conversations et mes conséquences générales avaient, comme vous vous en êtes convaincue, des antécédents : elles ne se présentent aujourd’hui qu’avec plus de force, depuis que je sais que vous êtes à même d’éprouver, sous des formes différentes, des désagréments et des souffrances semblables aux miens. Je regrette bien vivement et du plus profond du cœur, que ma carrière aventureuse m’éloigne de vous, mademoiselle, et, des lieux où j’eusse pu, peut-être, vous être utile à quelque chose. Votre dernière lettre m’a fait connaître ce que je n’avais pas éprouvé depuis bien du temps, et j’ai senti que tout sentiment vif n’était pas éteint en moi, puisque peine d’autrui m’était si amère. Je dois vous remercier de la nouvelle opinion que je vous ai, en quelque sorte soustraite. Quelquefois je puis être meilleur que mes paroles ; mais en général, ma conduite est à l’unisson. Trop d’années passées dans l’absence de tous les liens aimables m’ont rendu bien froid, bien égoïste, et peut-être que le malheur seul a des droits à ma sympathie.

Je ne vous l’ai pas caché, mademoiselle, reçue à bras ouverts, réintégrée dans vos droits paternels, l’aimable et bonne passagère du Mexicain n’eût été pour moi qu’une passagère : triste, abandonnée, elle est devenue une véritable sœur, une tendre amie à laquelle je trouve une douceur bien grande de