Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/210

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sette de bijoux, celle-là un brasero ; les négresses, les sambas emportaient pêle-mêle les tapis, les robes de leurs maîtresses ; les cris des enfants, les vociférations des esclaves, les imprécations des maîtres donnaient, à cette scène de confusion, une effroyable expression ! Les possesseurs de l’or, les propriétaires d’esclaves, la race dominatrice, enfin, était en proie à la terreur ; tandis que l’Indien et le nègre, se réjouissant de la prochaine catastrophe, semblaient méditer des vengeances, et en savouraient, d’avance les prémices. Les menaces étaient dans la bouche de l’indigène, et le blanc s’en intimidait ; l’esclave n’obéissait pas ; son rire cruel, son regard sombre et farouche interdisaient le maître, qui n’osait le frapper. C’était la première fois, sans doute, que toutes ces figures blanches et noires laissaient lire sur leur physionomie toute la bassesse de leur ame. Calme au milieu de ce chaos, je considérais, avec un dégoût que je ne pouvais réprimer, ce panorama des mauvaises passions de notre nature. L’agonie de ces avares, redoutant la perte de leurs richesses plus que celle de la vie ; la lâcheté de toute cette population blanche, incapable de la moindre énergie pour se