Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/25

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La fièvre agitait mon sang, m’empêchait de demeurer étendue sur mon lit : je ne pouvais demeurer en place ; j’allais et venais, et fus même obligée de sortir dans la cour pour respirer l’air frais du matin. Oh ! quelle souffrance était la mienne ! Ma dernière espérance détruite ! cette famille que j’étais venue chercher de si loin, dont les membres me présentaient l’égoïsme sous tous ses aspects, sous toutes ses faces, froids, insensibles au malheur d’autrui comme des statues de marbre ! mon oncle, le seul d’entre eux qui eût vécu avec mon père, dont il avait été chéri, dont il avait eu toute la confiance ; mon oncle à l’affection duquel je m’étais entièrement abandonnée, mon oncle dont le cœur à tant de titres eût dû compatir aux souffrances du mien, se montrait à moi dans toute l’aride nudité de son avarice et de son ingratitude ! Ce fut encore une de ces époques de ma vie où tous les maux de ma destinée se dessinèrent à mes regards ; dans tout ce qu’ils avaient de cruelles tortures. Née avec tous les avantages qui excitent la convoitise des hommes, ils ne m’étaient montrés que pour me faire sentir l’injustice qui me dépouillait de leur jouissance. Je voyais partout pour moi des abîmes, partout les sociétés