Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/298

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mois que je venais de l’habiter, je n’y avais rencontré que la demeure de l’étranger ; je fuyais cette maison où j’avais été soufferte, mais non adoptée ; je fuyais les tortures morales que j’y éprouvais, les suggestions que m’y inspirait le désespoir ; je fuyais pour aller où ?… Je l’ignorais. — Je n’avais pas de plan, et, lasse de déceptions, je ne formais plus de projets ; repoussée partout, sans famille, sans fortune ou profession, ou même un nom à moi, j’allais au hasard, comme un ballon dans l’espace qui va tomber où le vent le pousse. Je dis adieu à ces murs, en invoquant à mon aide l’ombre de mon père ; j’embrassai ma tante et la plaignis dans mon cœur de sa dureté envers moi ; j’embrassai ses enfants et les plaignis aussi ; car ils auront à leur tour des jours d’affliction. Je dis adieu aux nombreux serviteurs réunis dans la cour, je montai à cheval et quittai à jamais cet asile temporaire, pour m’en remettre à la grâce de Dieu. Mon oncle, mon cousin Florentino, ainsi que plusieurs amis, vinrent m’accompagner.

Nous marchions en silence ; les personnes dont j’étais entourée admiraient mon grand courage et s’en effrayaient. MM. Le Bris,