Aller au contenu

Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
296

ne saurais exprimer combien cette pensée me fut pénible ! Cet oncle qui m’avait fait tant de mal, dont la conduite dure, ingrate me forçait à errer sur la terre, comme l’oiseau dans les forêts, sans avoir guère plus que lui d’existence assurée ; cet oncle, qui n’avait eu pour moi aucune justice, dont l’avarice l’emportait en son cœur sur l’affection et la pitié, eh bien ! je l’aimais ; je l’aimais malgré ma volonté', tant les premières impressions de l’enfance sont durables et puissantes ! J’éprouvai une si vive douleur, que j’hésitai un moment si je ne retournerais pas à Aréquipa, uniquement pour revoir mon oncle, le conjurer de m’aimer, d’oublier qu’il me retenait mon bien, si réel était le besoin que je sentais de son affection. Ah ! qui peut expliquer les bizarreries du cœur humain ? Nous aimons, nous haïssons, ainsi que Dieu le veut, sans pouvoir, le plus souvent, en assigner le motif. Ah ! malheureuse organisation sociale ! Si je n’avais pas été obligée de disputer avec mon oncle pour mon héritage, nous nous serions sincèrement aimés. Son caractère d’homme politique ne m’inspirait aucune sympathie ; mais tout le reste me plaisait en lui. Je n’ai jamais rencontré un homme dont la