Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
333

vaient trouvée si belle s’écrient : Elle est laide ! L’actrice n’entend pas ces mots ; mais le rapport magnétique qui existe entre l’acteur et le public lui fait comprendre qu’on les a dits ; elle reste atterrée ; les larmes la suffoquent ; un tremblement agite ses membres ; elle voit tout le péril de sa position, et sa terreur en redouble ; cependant il faut chanter… Prenant de la force dans son désespoir, elle chante ; mais sa voix tremble et rend des sons faux. Aussitôt un houra s’élève de toutes parts, et des sifflets achèvent de bouleverser la malheureuse artiste ; elle sent une sueur froide sur tout son corps, n’entend plus l’orchestre ; ses regards épouvantés s’arrêtent sur ces milliers de têtes, dont les rires la bafouent, dont les paroles l’outragent ; elle reste immobile, désirant que le plancher manque sous ses pieds, afin d’être engloutie et à jamais délivrée de ces rires d’enfer, de ces cris de démon. Le brouhaha va en augmentant ; l’infortunée n’entend plus rien ; un nuage se place devant ses yeux, lui cache les lumières ; son sang se refoule vers le cœur ; ses jambes se dérobent sous elle ; faisant un dernier effort, elle s’élance dans la coulisse et y tombe comme morte. Madame Denuelle m’a raconté