Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55

— Et encore, don José, si vous en étiez quitte pour cette somme ?…

— Hé ! mais croyez-vous donc qu’ils m’en prendront d’autres ?

— Don José, nous vivons dans un temps où les honnêtes gens n’ont pas la liberté de parler ; il faut recommander son ame à la sainte Vierge, et prier pour les malheureux qui ont de l’argent…

Le senor Gamio, les larmes dans les yeux, tremblant de crainte, quitta la croisée de Carmen avec le désespoir dans le cœur.

Après lui vint à passer le señor Ugarte, homme aussi riche que mon oncle, mais beaucoup plus avare. Dans les temps ordinaires, Ugarte va avec des bas bleus, des souliers percés et un habit rapiécé ; ce jour-là, exaspéré par la douleur de l’avare, peut-être la plus forte de toutes les douleurs, il avait mis, croyant de cette manière en imposer sur ses richesses, tout ce qu’il avait de plus déguenillé ; accoutré de haillons de toutes couleurs, son extérieur, sa mine étaient des plus grotesques. En le voyant, je ne pus m’empêcher de partir d’un éclat de rire. Je cachai ma tête dans mon voile, pendant que ma cousine, habituée à maîtriser ses émotions,